jeudi 12 novembre 2009

À la recherche du chou perdu

AUTOBIOGRAPHIE DANS UN CHOU FARCI - Allen S. Weiss- Le petit Mercure- Mercure de France

Quand il n'y a pas de cigogne pour apporter les bébés, il peut y avoir un Sauvage. Quand il n'y a ni l'un, ni l'autre, on naît dans un chou. C'est ce qui est arrivé à l'auteur de cette Autobiographie dans un chou farci.
Combien j'aurais voulu connaître le chou qui m'a vu naître dit la chanson. C'est à la recherche de ce chou que s'est lancé Allen S. Weiss, écrivain né aux États-Unis de parents ayant survécu à la Shoah et vivant en France.
C'est un chou bien particulier, farci on l'a compris, un chou polonais, hongrois, américain de New York (du South Bronx précisément), français de l'Aubrac....Ce chou farci, c'est aussi celui que l'on a envie de préparer en fermant ce livre, et qui fait paraître bien ternes nos cigares au chou!
C'est un tout petit livre d'à peine cent pages dans un format de poche, un livre farci de références littéraires, philosophiques, historiques, mythologiques...gastronomiques. Ce petit ouvrage livre le plus intelligent des réflexions que l'on peut avoir sur la cuisine, sur la gastronomie, sur le goût, sur les menus de restaurants, en plus de donner un éventail de recettes...de choux farcis.
C'est en Hongrie (pays d'origine du père de l'auteur) que l'on trouve le plus grand nombre de variantes du chou farci :" 800 recettes à base de chou dont à peu près la moitié sont, sous une forme ou une autre, farcis". Se livrant à l'établissement d'un portrait-robot du chou farci, Allen Weiss établit qu'au total, il en existe 77760 sortes! Que cela ne décourage personne. Étudiant "l'anatomie du chou farci", il donne à ses lecteurs, la recette infaillible pour préparer le plat qui lui convienda. Il donnera aussi l'une des versions qu'il aime particulièrement, inspirée par la cuisine de l'Aubrac, mais se souvenant de toutes les origines de ce plat. "Un chou farci dont l'inspiration vient de partout, et l'origine de nulle part".
Quelque part, il dira: "La cuisine est le lieu de mémoire par excellence, et la bouche une topologie pour tout ce qui est essentiel chez nous -érotisme, langage, goût, alimentation, violence- source de vie, source de mort". Ailleurs, les "recettes où goût, tradition et amour se confondent sont d'abord réalisées pour plaire à un individu particulier, avant d'être minutieusement transcrites pour la postérité.. C'est ce qu'on appelle une recette de grand-mère".Plus loin, il donnera une définition du goût. "Le goût est un principe dynamique, non une qualification ou un attribut statique, dont les origines le plus souvent se perdent dans le labyrinthe de l'âme et les recoins de l'histoire (...) le goût constitue un signe du style personnel, un mode d'identification de soi, une trace de distinction, un geste esthétique. Le goût vacille entre le solipsisme et le narcissisme de la sensibilité subjective et la séduction et la mythologie de la gastronomie collective. Le cliché " le goût ne se discute pas" est donc manifestement faux: l'ineffable est toujours constatable, et les questions de goût sont forcément dialogiques".
Bonne lecture. Bon appétit.

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